Garder (2)
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Autrefois, garder signifiait regarder. Le verbe a pu évoquer une attention soutenue, un soin particulier, avant de doucement rencontrer la définition que nous lui connaissons aujourd’hui : préserver, protéger, retenir. Garder n’est plus regarder, mais regarder est un peu plus que garder. Deux lettres séparent garder de regarder, deux lettres qui signifient tantôt la répétition : refaire, retaper, rebondir ; tantôt le retour : replier, refermer, rentrer. Comme si regarder était garder à nouveau, ou garder encore. Si voir est une capacité naturelle, sans intention, sans intérêt, regarder réclame d’accepter l’objet de la vision, de lui accorder une place. Celui qui regarde attache la vue. Celui qui regarde garde à vue. Dès lors, quelle est l’implication de garder dans regarder? Garde-t-on ce que l’on regarde, regarde-t-on ce que l’on garde? Est ce que regarder concerne systématiquement ce qui est gardé?